Par Rodrigue Fenelon Massala, grand reporter.
Après 13 ans de guerre civile, le régime syrien s’est brutalement effondré en seulement 13 jours. Bachar Al-Assad a fui avec sa famille en Russie, selon les dernières informations concordantes. La capitale, Damas, est tombée aux mains de Hayat Tahrir al-Sham (« Organisation de libération du Levant ») et de son chef Abou Mohammed al-Joulani (alias Ahmed Hussein al-Chara). Le départ de Bachar Al-Assad plonge la Syrie dans une période d’incertitude profonde. Cette situation illustre bien la maxime : « Les nations n’ont pas d’amis, seulement des intérêts. »
Bachar Al-Assad fut à plusieurs reprises un allié utile pour l’Occident :
- En 2002, en aidant les États-Unis et le Royaume-Uni à se débarrasser de Saddam Hussein ;
- En 2008, en soutenant Nicolas Sarkozy dans son projet d’Union pour la Méditerranée ;
- Et en jouant un rôle de rempart contre l’État islamique.
Cependant, ses actions, comme l’assassinat du Premier ministre libanais, d’un diplomate français et les massacres de civils, ont progressivement rendu son régime infréquentable.
Les facteurs de sa chute
La chute précipitée d’Assad s’explique par plusieurs facteurs :
- La Russie, absorbée par le conflit en Ukraine, a réduit son soutien.
- Les États-Unis et Israël ont intensifié leurs efforts pour réduire la menace islamiste, en soutenant des mouvements moins radicaux.
- L’Iran, sous une nouvelle direction cherchant à se repositionner, a abandonné Assad.
- Les frappes israéliennes, le soutien logistique turc, l’adhésion populaire et kurde à son départ, ainsi que le contrôle israélien des points de ravitaillement du Hezbollah, ont permis aux islamistes de mener une offensive éclair.
Abou Mohammed al-Joulani, le nouvel homme fort de Damas, a affirmé :
« Nous sommes ouverts à l’amitié avec tous les pays de la région, y compris Israël. Nos ennemis sont Assad, le Hezbollah et l’Iran. Ce qu’Israël a fait contre le Hezbollah au Liban nous a beaucoup aidés.»
Les intérêts géopolitiques des grandes puissances
La chute d’Assad résulte d’un compromis entre les puissances régionales et internationales :
- Israël ne cherchait pas directement la chute d’Assad, mais visait à réduire l’influence iranienne en Syrie.
- Les États-Unis, initialement favorables à un changement de régime, ont recentré leur stratégie sur la lutte contre Daech.
- La Turquie a soutenu des groupes rebelles pour affaiblir Assad, tout en cherchant à contenir la menace kurde.
- La Russie, bien qu’étant le principal allié militaire et diplomatique d’Assad, a privilégié ses propres intérêts stratégiques.
Un spécialiste des relations internationales explique :
« Dans ce jeu de realpolitik, des compromis sont faits avec des acteurs inattendus, au gré des intérêts géopolitiques. »
Un morcellement inévitable ?
Comme en Libye, le départ d’Assad pourrait provoquer un éclatement de la Syrie. Les factions ayant contribué à sa chute partagent peu d’idéologie commune.
- Israël veut maintenir son contrôle sur le Golan.
- La Turquie cherche à sécuriser ses frontières contre les Kurdes.
- La Russie a négocié le maintien de ses bases navales.
- Les États-Unis ne comptent pas quitter la région.
La prédiction de Kadhafi
En 2008, lors d’un sommet arabe à Damas, Mouammar Kadhafi avait averti :
« Ce qui est arrivé à Saddam vous arrivera aussi. »
Les rires de Moubarak et Assad, captés par les caméras, illustrent aujourd’hui une ironie tragique. Comme Kadhafi, ces dirigeants ont vu leurs régimes détruits par ceux-là mêmes avec qui ils avaient collaboré. Au regard de cette situation, la Syrie semble destinée à un morcellement, dans une région marquée par des intérêts divergents et des rivalités historiques.