Le 12 décembre, en marge des États généraux des entreprises du portefeuille de la RDC, placés sous le haut patronage du président Félix Tshisekedi , à l’initiative du ministre du portefeuille public Lucien Bussa, le directeur général de la Gécamines, Placide Nkala, a présenté un bilan rétrospectif et prospectif de la société minière qu’il dirige. Il a mis en avant les perspectives de performances issues des réformes engagées par la direction, dans le but de positionner l’entreprise comme un outil moteur de la croissance partagée et du développement industriel de la RDC, grâce à management innovant.
D’entrée de jeu , Placide Nkala, le directeur général, a rappelé que la GECAMINES atteignait autrefois des niveaux de production impressionnants, avec 476 033 tonnes de cuivre, 14 500 tonnes de cobalt et 64 000 tonnes de zinc, employant 36 000 personnes dans les années 80, lors de sa période la plus florissante. Si à cette époque, la Générale des Carrières et des Mines contribuait substantiellement au budget de l’État, les choses se sont inversées dans les années 90. Privée d’accès au marché financier international, les revenus internes de GECAMINES étaient insuffisants pour maintenir en l’état l’outil de production.
Le directeur général explique que l’entreprise était confrontée à une chute persistante de sa propre production, due à l’effondrement, en septembre 1990, d’une partie de la mine souterraine de Kamoto, alors un de ses principaux centres de production, et au vieillissement de l’outil de production aggravé par le manque de maintenance. Pour faire face à cette situation, en 1995, la GECAMINES a adopté une nouvelle stratégie pour le financement de son activité : l’exploitation d’une partie de ses gisements miniers et la mise en place d’installations industrielles en partenariat avec des tiers investisseurs, nationaux et surtout étrangers, dans des joint-ventures pour trouver les ressources nécessaires à sa survie et à sa relance.
Après ce détour historique, le directeur général aborde la situation actuelle des partenariats : « Aujourd’hui,la GECAMINES est engagée dans 62 partenariats, répartis en trois catégories : 21 joint-ventures où la Gécamines a cédé ses droits et titres miniers, 32 amodiations et 9 filiales. En 2023, les revenus générés par ces partenariats ont constitué 57,8 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, évalué à 244 178 264 dollars américains. »
Ces revenus proviennent de divers éléments tels que les pas de porte (le droit d’accès au business), les royalties (rémunération payée à la GECAMINES par la JV en compensation de la consommation des minerais du gisement), les loyers d’amodiation, les locations d’immeubles et les dividendes.
« S’agissant du bilan et des opportunités créées par les partenariats de GECAMINES, ils sont loin des fantasmes et des rumeurs qui courent les rues », explique le directeur général. Les retombées financières attendues par GECAMINES devraient être réalisées sous forme de pas de porte, de royalties, de prestations diverses et principalement de dividendes. Malgré l’embellie des cours des métaux non ferreux, les niveaux de production déterminés par des modèles économiques, et contrairement aux résultats simulés dans les études de faisabilité, les attentes de GECAMINES n’ont pas été atteintes depuis que les différents partenariats sont entrés dans leur phase de production.
« GECAMINES n’a perçu au titre des revenus que les pas de porte et les royalties. Les sociétés n’ont commencé à distribuer des dividendes aux associés (actionnaires) qu’en 2020 », poursuit le manager. Pourtant, les projections des études de faisabilité qui avaient justifié en leur temps la signature des contrats de ces J.V. indiquaient déjà qu’en 2018 GECAMINES SA devait percevoir des dividendes et l’État recevoir un impôt sur les bénéfices.
Les principales raisons de cette absence de distribution de dividendes sont, de l’avis du directeur général, un endettement lourd contracté par le partenaire et souvent à des conditions loin d’être concessionnelles ; s’y ajoute, des intérêts très élevés supportés par la Joint-venture sur la dette colossale sus évoquée, contractée souvent auprès de l’actionnaire majoritaire ; il y a aussi la politique des amortissements admise par le Code minier, qui permet d’amortir les investissements à concurrence de 60% dès la première année de production et d’appliquer la méthode dégressive par la suite ; des coûts de production souvent élevés et des recettes commerciales minorées ; des honoraires d’assistance technique très élevés payés par la Joint-venture à l’actionnaire majoritaire pour des prestations souvent mal définies et difficilement perceptibles. Comme l’a souvent déclaré un ancien Président du Conseil d’administration, cité par le directeur général, les partenariats ont été conclus afin de nous procurer des capitaux, mais ils nous ont en réalité apporté de la dette ». Face à cette réalité amère, le gouvernement de la RDC a pris les mesures suivantes dans le but d’équilibrer les intérêts des parties :
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* la revisitation des contrats de partenariats de GECAMINES ;
* la législation sur la sous-traitance privée avec en point de mire le secteur minier ;
* la révision du Code minier en 2018 ;
* la commercialisation de la production par les actionnaires à concurrence de leur participation au capital social dans la joint-venture.
De ce qui précède, il sied de noter que , la tentative de révision des contrats miniers de 2007 n’a pas produit les résultats escomptés, selon les observateurs, et n’a eu qu’un impact « illusoire et éphémère », à l’exception de l’augmentation de certains paiements d’accès et de quelques redevances, ainsi que de légers ajustements de la participation dans certains partenariats (TFM, SMCO, Boss Mining, Ruashi Mining, CMT), qui, comme l’a souligné le directeur général, n’ont rien changé à l’économie générale des contrats. Par conséquent, les déséquilibres ont perduré.
Le Code minier révisé en date du 09 mars 2018 a permis le rééquilibrage des contrats miniers du point de vue juridique :
* Les gisements des entreprises publiques constituent des apports de celles-ci dans les partenariats et doivent être évalués suivant le droit OHADA ; et ainsi aucune entreprise apportant des gisements ne pourra être minoritaire dans le capital social des JV ;
* En vue de rééquilibrer la participation de l’État au capital social, le nouveau Code Minier prévoit en son article 80 la cession à l’État de 5% des parts ou actions du capital social de la société à chaque renouvellement d’un permis minier, en sus de celle cédée précédemment ;
La commercialisation de la production par les actionnaires poursuit un double objectif :
* mettre fin au conflit d’intérêts commercial lié à l’exclusivité que s’était octroyée l’actionnaire majoritaire contrôlant la joint-venture sur la production de la société – en effet, il n’est plus question pour la Société de vendre automatiquement sa production à son seul actionnaire majoritaire selon des termes commerciaux non négociés ;
* ouvrir la commercialisation de la production de la joint-venture à la concurrence, et ce dans le meilleur intérêt de la société – en effet, l’actionnaire majoritaire est désormais censé être en concurrence avec des acheteurs tiers, susceptibles de présenter de meilleurs offres commerciales pour acquérir toute ou partie de la production de la joint-venture, une telle émulation ayant pour but de maximiser le chiffre d’affaires de cette dernière. Actuellement, la commercialisation de la production par les actionnaires concerne deux joint-ventures, à savoir SICOMINES et TFM, grâce aux efforts et la détermination du Président, Félix TSHISEKEDI TSHILOMBO. Cette démarche devrait s’étendre à terme à toutes les joint-ventures. De son côté, GECAMINES a réalisé les efforts suivants :
* GECAMINES a diligenté fin 2012 et fin 2015 une série d’audits des JV en production en vue de vérifier l’exactitude et la conformité des investissements, le niveau d’endettement, la production déclarée et les modalités de commercialisation de la production. Ces différents audits ont dessiné une image assez réaliste du régime global des partenariats de GECAMINES et notamment leur défaut. Quasiment, tous les partenaires de GECAMINES optimisent leur politique de financement, d’investissement et d’exploitation.
Au regard de tout ce qui précède, il sied de souligner que ,la Gécamines (Générale des Carrières et des Mines), en tant que pilier historique du secteur minier en République Démocratique du Congo (RDC), possède un potentiel immense pour jouer un rôle clé dans la transformation économique du pays. Les réformes envisagées ou en cours pour repositionner cette société pourraient effectivement augurer de bonnes perspectives, à condition qu’elles soient bien conçues et mises en œuvre avec rigueur . Il serait utile entre autres de réduire les redondances, de clarifier les rôles et responsabilités, afin de s’assurer que chaque unité fonctionne efficacement.