Votée le 27 décembre 2024 par les députés, la loi de finances exercice 2025 ne fait pas l’unanimité à l’Assemblée nationale togolaise. Parmi les contestataires du processus d’adoption et du contenu lui-même, l’on cite l’économiste Tchabouré Aimé Gogué, président national de l’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI), actuel chef de file de l’opposition et deux fois candidats malheureux aux élections présidentielles.
Ainsi, quelques jours après le vote, le doyen d’âge de l’hémicycle relève, dans un communiqué de 5 pages, que l’adoption du Projet de Loi de finances exercice 2025, et du Projet de Loi de finances rectificative exercice 2024, a « suscité des controverses, notamment en raison des observations émises par les députés de l’opposition parlementaire ». Qui, informe-t-il, « ont voté contre le projet pour exprimer leur mécontentement face à l’absence de prise en compte de leurs observations et à la persistance de zones d’ombre sur certains points du budget ».
LIRE AUSSI. Togo : les députés approuvent un budget en hausse d’environ 10%
Dans les détails, l’ancien ministre du Plan relève des « violations des dispositions constitutionnelles relatives aux lois de finances ». En effet, écrit-il dans son communiqué, le budget 2025 a été voté dans une « précipitation incompréhensible », ajoutant que les discussions budgétaires en commission ont duré environ une semaine, alors que la constitution prévoit 45 jours.
« En outre, le processus suivi pour l’adoption de la Loi de finances exercice 2025 a souffert de plusieurs autres insuffisances. La représentation nationale ne disposait pas de documents indispensables de référence pour l’appréciation de l’intégrité, de la sincérité des comptes et de la qualité de l’exécution et de la gestion des ressources publiques. En effet, la Cour des comptes n’a pas soumis au préalable à l’Assemblée nationale le Projet de Loi de règlement pour adoption. Or c’est ce document qui permet notamment à l’Assemblée nationale d’avoir des informations sur la qualité de l’exécution de la loi de finances de l’année antérieure. Comment pourrions-nous jouer pleinement notre rôle de député dans un tel contexte de travail ? Contrairement également aux dispositions de la loi organique n° 2014-2014-013 relative aux lois de finances, l’Assemblée nationale n’a également disposé d’aucun rapport d’exécution trimestriel de budget de 2024 », souligne le député.
Selon le chef de file de l’opposition, des discussions à l’Assemblée nationale ont permis d’atténuer les pénalités pour défaut de déclaration à l’Office togolais des recettes (OTR) dans les délais prescrits des résultats d’entreprises. « Cependant, les parlementaires auraient pu contribuer de manière plus significative à la réduction du coût de la vie en prenant des mesures pour la réduction du train de vie de l’Etat. Mais comment peuvent-ils faire des propositions idoines lorsqu’ils ne disposent pas par exemple d’informations sur les voyages ou les avantages des membres de l’exécutif et de ce gouvernement pléthorique ? Comment discuter des mesures pour le renforcement des capacités de lutte contre le terrorisme des forces de défense et de sécurité si les députés ne savent pas par exemple les efforts déjà faits », s’offusque-t-il.
Exclusif: l’économiste Aimé Tchabouré Gogué sur l’endettement du Togo et les déficits
En ce qui concerne la mobilisation des ressources, Prof Gogué relève que les recettes fiscales rapportées au PIB se situent à environ 15% contre une norme communautaire de l’UEMOA de 20%. « Or les jeunes entrepreneurs, les TPME, les PME et les petits contribuables se plaignent du niveau élevé de la pression fiscale. Ceci semble être confirmé par une étude démontrant que la collecte des ressources publiques auprès du secteur informel par l’OTR est plus élevée que la moyenne de la sous-région. Or, au cours des trois dernières années, selon l’OTR, les grandes entreprises ont contribué en moyenne à 67,5% des recettes fiscales intérieures. Ces informations laissent des flous et des biais à la compréhension des députés », ajoute-t-il, regrettant le fait que « les députés ne connaissent pas par exemple les contributions (recettes fiscales et dividendes) au Trésor public des grosses sociétés d’Etat comme la Société nationale des phosphates du Togo (SNPT), la LONATO, le Port autonome de Lomé (PAL), de la Société autonome de financement de l’entretien routier (SAFER), etc ».
Sur la situation de la dette publique, l’économiste souligne que les créanciers de près des deux tiers de la dette publique sont des togolais. « Ceci peut être une bonne chose mais le revers est que cette situation réduit les capacités d’intervention du secteur privé dans l’économie ».
Par ailleurs, souligne-t-il aussi, l’enveloppe allouée au département des affaires étrangères est plus importante que celle de l’enseignement technique, la formation professionnelle et l’artisanat et l’industrie et la promotion des investissements réunis. « Or l’enseignement technique, la formation professionnelle et l’artisanat prépare les jeunes à l’insertion dans le monde du travail, l’industrie, la promotion des investissements, le sports et loisirs ainsi que le tourisme sont des secteurs intensifs en travail ! Quels résultats sportifs espérons-nous avoir sur le plan international, voire continental moins de 4 milliards de fonds publics pour tout le secteur. Le discours du Gouvernement prétendant qu’il se préoccupe de l’emploi des jeunes est un leurre », explique Aimé Gogué.
Togo: le professeur Aimé Gogué décrypte le nouveau gouvernement