Les professionnels nigérians du secteur bancaire ont prouvé que l’Afrique pouvait produire des talents de classe mondiale
Par Christine Holzbauer, Envoyée spéciale
En marge de la visite d’État de S.E. Bola Ahmed Tinubu, Président de la République Fédérale du Nigeria, en France (du 27 au 29 novembre 2024), Kapital Afrik (Financial Afrik) s’est entretenu avec Aigboje Aig-Imoukhuede, Président de Access Holdings PLC et du Conseil d’affaires France-Nigeria. Il a exprimé sa satisfaction quant à l’évolution des relations entre les deux gouvernements, ainsi que les nombreuses opportunités offertes au secteur privé, notamment bancaire, de s’impliquer.
Les résultats de la visite d’État de S.E. Bola Tinubu répondent-ils à vos attentes en tant que Président du Conseil d’affaires France-Nigeria ?
La visite du Président nigérian en France met en lumière la relation historique et de plus en plus robuste entre nos deux nations. Cette relation a été considérablement renforcée par l’engagement du Président Macron à approfondir les liens bilatéraux. Au cours des six dernières années, trois banques nigérianes ont réussi à s’implanter en France, démontrant ainsi les progrès tangibles de notre collaboration économique. Nous anticipons qu’une autre banque nigériane établira prochainement sa présence ici, consolidant encore ce partenariat.
De plus, l’attrait du Nigeria comme destination d’investissement viable devient de plus en plus évident. Historiquement, les entreprises françaises, à l’exception de grands groupes comme Total et Danone, avaient tendance à entrer et sortir du marché nigérian. Cependant, après huit années difficiles marquées par des politiques économiques erronées, il est maintenant crucial de mettre en avant le potentiel immense du Nigeria.
Cette visite intervient à un moment charnière. L’inflation diminue, et les investisseurs étrangers effectuant des placements en euros au Nigeria sont bien positionnés pour bénéficier d’évaluations justes et de rendements solides. Cette fenêtre d’opportunité se refermera à mesure que les conditions de marché se resserreront, ce qui rend ce moment véritablement spécial pour que les relations Nigeria-France prospèrent davantage.
Et du point de vue de Access Holdings PLC ?
Access Holdings PLC, via le groupe bancaire, est désormais solidement implanté dans les principaux centres commerciaux européens. Avec des opérations établies au Royaume-Uni et en France, ainsi que l’obtention récente d’une licence pour opérer à Malte, nous démontrons notre engagement envers l’expansion mondiale. Cette progression est soutenue par une transformation financière remarquable : notre bilan est passé de seulement 5 millions de dollars il y a quinze ans à un total actuel de 4 milliards de dollars, soutenu par des capitaux propres de 400 millions de dollars.
À l’avenir, notre objectif est de consolider cette présence mondiale tout en contribuant de manière significative à l’écosystème financier international. Chez Access Holdings, nous nous voyons comme une passerelle essentielle entre l’Afrique et le reste du monde. Après avoir opéré avec succès dans le corridor anglophone, nous concentrons désormais nos efforts pour reproduire ce succès dans les corridors francophones, lusophones et autres marchés stratégiques.
Pourquoi le marché français est-il si attractif pour les banques nigérianes ?
La France est un partenaire commercial clé en Afrique de l’Ouest et joue un rôle central dans les activités économiques de la région. Elle sert également de plaque tournante essentielle au sein du corridor de l’Union européenne, ce qui en fait une porte d’entrée naturelle pour les banques nigérianes cherchant à renforcer leurs opérations dans les pays francophones d’Afrique.
Les flux de capitaux – qu’il s’agisse de commerce, de finance, d’investissements directs étrangers ou d’opérations de trésorerie – passent inévitablement par les banques. Cela fait du marché français un choix stratégique pour les banques nigérianes désireuses de faciliter ces transactions et d’approfondir leur implication dans les écosystèmes financiers régionaux et mondiaux.
Chez Access, notre vaste expérience en relations internationales et gouvernementales nous a permis de prospérer dans cet environnement. La transition du prêt en dollars ou en livres sterling vers les euros est un processus fluide pour nous, en particulier lorsque nous travaillons avec des gouvernements africains opérant dans la zone monétaire CFA.
De plus, notre succès sur le marché britannique, notamment dans la facilitation du commerce et l’acquisition de résidences secondaires, constitue un modèle pour l’expansion. Grâce à notre filiale française, nous pouvons reproduire ce succès en offrant des services aux clients souhaitant investir à Paris et dans d’autres régions de France.
Les fluctuations erratiques du naira freinent-elles l’arrivée de l’ECO, la monnaie unique de la CEDEAO ?
Dans le contexte économique actuel, la réponse est sans aucun doute oui. Pour que le naira puisse servir d’ancre pour la région, le Nigeria doit d’abord atteindre une stabilité monétaire à moyen terme, ce que nous envisageons comme un processus s’étendant sur environ dix ans.
Historiquement, le naira s’est déprécié face au dollar à un taux moyen de 10 % par an, en grande partie en raison des différentiels d’inflation. Bien que ce niveau de dépréciation soit gérable et prévisible pour les plans stratégiques, les deux dernières années ont été marquées par une volatilité importante et une dévaluation accélérée dues à des politiques antérieures.
Cependant, avec les réformes introduites sous l’administration Tinubu, nous sommes optimistes quant à un retour à des taux de dépréciation plus stables. Stabiliser le naira est une étape cruciale non seulement pour le Nigeria, mais également pour la région de la CEDEAO, car cela jette les bases de l’adoption réussie de la monnaie ECO à l’avenir.
Quel rôle joue Access Holdings dans le secteur des industries culturelles ?
Chez Access Holdings, nous reconnaissons que les activités dans les arts et la culture sont souvent plus alignées avec des objectifs de durabilité qu’avec des retours financiers immédiats. Cependant, nous voyons également les arts et la culture comme des marqueurs essentiels du développement sociétal, reflétant la vitalité et la créativité de nos communautés. Nous avons activement soutenu des initiatives promouvant le Nigeria comme un centre d’affaires et de culture, créant une expérience unique pour les parties prenantes locales et internationales.
Le modèle nigérian de la banque est-il en train de s’imposer ?
Sans aucun doute. Les professionnels nigérians du secteur bancaire ont prouvé que l’Afrique pouvait produire des talents de classe mondiale. À Access, nous aspirons à être parmi les leaders de cette transformation.