Par Mohamed KADERGUELI, Managing Partner Sahel Investment Partners.
Les fonds souverains, en tant qu’instruments financiers innovants, doivent jouer un rôle central dans le développement des pays africains. Plus que dans d’autres régions, ces fonds d’État doivent être conçus pour soutenir la croissance économique tant au niveau national qu’international, en investissant dans d’autres économies émergentes ou en développement.
Depuis les années 1950, plusieurs pays africains, principalement exportateurs de pétrole, ont établi des fonds publics dotés de ressources significatives, dans le but de les gérer efficacement et de générer des revenus à long terme. Suite aux chocs pétroliers des années 1970 et 1980, d’autres nations ont emboîté le pas, profitant de l’augmentation des prix des matières premières et des excédents de leur balance des paiements, comme l’a fait la Russie.
À ce jour, environ une dizaine de fonds souverains sont actifs sur le continent (Algérie, Angola, Botswana, Gabon, Ghana, Guinée Équatoriale, Libye, Mauritanie, Nigéria, Sénégal), tandis que cinq à sept autres sont en phase de réflexion (Île Maurice, Tanzanie, Zimbabwe, Mozambique, Zambie).
Dans l’espace CEMAC, seuls le Gabon et la Guinée Équatoriale ont mis en place cet instrument financier, bien que d’autres pays soient en train d’explorer cette option.
Au Gabon, le Fonds Gabonais d’Investissements Stratégiques (FGIS), créé en 2012 pour remplacer le Fonds pour les Générations Futures, est financé par 10 % des recettes pétrolières, des excédents budgétaires et des profits issus des participations de l’État dans les entreprises publiques. Sa mission principale est de rentabiliser les fonds sous gestion en les plaçant dans des secteurs et marchés définis.
En Guinée Équatoriale, le Fonds de Réserves pour les Générations Futures, alimenté par 0,5 % des revenus pétroliers, est géré par la Banque des États de l’Afrique Centrale. Ces fonds souverains, distincts des réserves de change officielles, visent à faciliter le transfert de richesses entre générations, diversifier les réserves nationales et prévenir les ralentissements économiques.
Pour devenir de véritables outils de développement, les fonds souverains africains doivent répondre à plusieurs objectifs :
Stabiliser les revenus : Ils doivent protéger les pays des fluctuations des revenus liés aux exportations de matières premières. Ces fonds, semblables aux caisses de stabilisation créées après les indépendances, visent à garantir un revenu minimum aux producteurs, malgré les variations des prix sur les marchés internationaux.
Répartition intergénérationnelle : Ils doivent permettre de répartir la richesse tirée des ressources non renouvelables entre plusieurs générations, anticipant ainsi la raréfaction de ces ressources.
Éviter les effets pervers de la rente : Les fonds doivent être conçus pour éviter les dérives liées à l’existence d’une rente.
Réduire les coûts de stérilisation : Ils doivent contribuer à minimiser les coûts associés à la gestion des réserves par la banque centrale.
Financer l’économie : En soutenant les PME nationales, ces fonds peuvent contribuer à l’amélioration du PIB. La frilosité des banques et le court-termisme croissant sur les marchés financiers rendent cette mission d’autant plus cruciale.
Promouvoir des champions nationaux : Ils doivent aider à la création et au développement de « champions nationaux et régionaux » capables de conquérir des marchés à l’export.
Les fonds souverains représentent une famille hétérogène, avec plusieurs catégories, notamment :
Fonds de financement des retraites : Destinés à compléter le financement des retraites face à un déséquilibre démographique croissant (exemple : le fonds de pension gouvernemental de Norvège).
Fonds d’investissement de réserves : Utilisés par des États à forts excédents commerciaux pour placer une partie de leurs réserves de change (exemple : China Investment Corporation).
En conclusion, les fonds souverains africains ont un potentiel immense pour transformer les économies du continent. En adoptant une approche stratégique et en répondant aux défis contemporains, ils peuvent devenir des leviers puissants pour un développement durable et inclusif.
En investissant judicieusement et en favorisant une gestion transparente, ces fonds peuvent non seulement stabiliser les économies, mais aussi garantir un avenir prospère pour les générations à venir.