Par Denis Nzifack, Economiste, Analyse et gestionnaire de portefeuille et Franky BUNANG, Analyste des opérations chez Harvest Asset Management .
Comme annoncé lors de notre dernière note sur « l’activité des marchés » publiée le 30 décembre 2024, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) a ajusté ses deux principaux taux directeurs lors de son premier Comité de Politique Monétaire (CPM) de 2025, tenu le 24 mars 2025. Après une longue période de politique monétaire restrictive, la BEAC a décidé de baisser ces taux (le TIAO et le TFPM) de 50 et 75 points de base respectivement. Cette décision est motivée par une conjoncture favorable, marquée par une baisse de l’inflation, une reprise de l’activité économique, une amélioration du solde budgétaire et une augmentation des réserves de change.
En effet, la Banque centrale a ramené le Taux d’Intérêt des Appels d’Offres (TIAO) à 4,50% contre 5,00%, et le Taux de la Facilité de Prêt Marginal (TFPM) à 6,00% contre 6,75%. L’inflation devrait atteindre 2,9% fin 2025, soit en dessous du seuil de convergence de la CEMAC fixé à 3,0%, et la reprise de l’activité économique est prévue à 2,9% contre 2,6% en 2024, tirée par le secteur non-pétrolier. Cette reprise devrait améliorer le solde budgétaire, bien que restant déficitaire, et les réserves de change devraient augmenter de 4,0% pour atteindre 7 584,9 milliards de FCFA, couvrant 4,8 mois d’importations de biens et services.
Cet assouplissement monétaire devrait apporter un soulagement au marché des capitaux de la CEMAC. En effet, cette baisse des taux intervient dans un contexte de ralentissement des activités de marché. À la fin 2024, sur le marché des Titres Publics de la BEAC, malgré une hausse de l’encours à 7 437,2 milliards de FCFA, la variation en valeur relative la plus faible depuis 2018 a été observée, avec une augmentation de 16% contre 20,7% en 2023 et 84,3% en 2019. De plus, le coût des ressources en moyenne générale est passé de 6,82% à 7,66% entre 2021 et 2024 lié en partie à la politique monétaire restrictive.
Sur le marché financier sous-régional, des annulations d’emprunts obligataires ont été observées pour le Cameroun, le Tchad, le Congo et la BDEAC. Selon le plan de financement initialement transmis aux investisseurs, ces émetteurs devaient lever respectivement 200, 100, 100 et 50 milliards de FCFA sur le marché. Cependant, la stratégie a été modifiée en raison des conditions de crédit toujours difficiles. De plus, sur le compartiment actions, une baisse de 6,42% a été notée contre 3,28% en 2023 et une hausse de 4,2% en 2022.
Nous nous attendons à d’autres baisses de taux dans une fourchette de [75 – 100] points de base d’ici la fin 2025, notamment lors des CPM de juin et décembre 2025. Ces assouplissements monétaires pourraient apporter plus de liquidités sur les marchés. Cette liquidité sera favorable aux émetteurs, car ils verront leurs coûts d’emprunts baisser, ce qui sera bénéfique pour les levées de ressources sur les marchés. Par ailleurs, elle favorisera une bonne dynamique sur le marché actions.
Cependant, nous recommandons une approche prudente aux autorités, surtout dans un contexte marqué par l’ajustement des prix des carburants à la pompe en Guinée Équatoriale, la perspective d’une nouvelle hausse des prix des transports urbains au Congo, la situation inflationniste tendue au Tchad et le niveau d’inflation élevé au Cameroun.