Le Fonds Monétaire International (FMI) conseille aux pays africains de supprimer les subventions énergétiques, une politique déjà mise en œuvre au Nigeria en mai 2023 et qui a propulsé l’inflation à son taux le plus élevé depuis trois décennies. Cette mesure avait failli renverser le gouvernement de Bola Ahmed Tinubu, confronté à d’importantes manifestations en août 2024.
Malgré cet échec nigérian manifeste, l’institution de Washington continue de promouvoir cette approche auprès des États en difficulté. Le Gabon, par exemple, envisage de réduire ses subventions au carburant de 30% selon sa loi de finances pour 2025. Au Congo, cette politique est déjà en place, et le prix du gazole a augmenté de 25% en octobre 2024, après une précédente hausse en janvier de la même année. Le Sénégal qui alloue 4% de son budget à la subvention de l’Energie est invité à s’aligner selon les conclusions de la dernière mission du fonds.
Le paradoxe des subventions selon le FMI
Selon le FMI, éliminer les subventions permettrait de rediriger les fonds vers des programmes ciblant directement les populations les plus démunies. L’institution soutient que les subventions profitent disproportionnellement aux plus aisés, tout en créant des distorsions économiques. Cependant, le FMI semble ignorer que, dans le contexte africain où la protection sociale est embryonnaire, ces subventions constituent un filet de sécurité crucial.
La réalité socio-économique africaine
Les subventions sur les denrées de base telles que le blé, la farine, le pain et le sucre (mesures courantes dans la zone MENA) , ainsi que sur le carburant, sont vitales pour maintenir la compétitivité du tissu socio-économique. Elles soutiennent notamment les secteurs du transport et de la logistique, essentiels à la production industrielle. Le retrait de ces aides, comme le propose le FMI, pourrait donc engendrer une hausse généralisée des prix, annulant les économies réalisées sur les subventions. L’exemple récent du Nigeria témoigne des risques associés.
Les implications macroéconomiques
Bien que la suppression des subventions puisse alléger le budget de l’État et diminuer le déficit, elle pourrait aussi déséquilibrer d’autres indicateurs macroéconomiques comme l’inflation, qui touche principalement les populations déjà vulnérables en agissant comme un « impôt des pauvres ».
Une alternative keynésienne
Plutôt que d’éliminer les subventions qui stimulent la demande en temps de crise, selon les principes keynésiens, le FMI devrait encourager les États à optimiser la gestion des entreprises publiques d’eau et d’électricité. L’objectif serait de les transformer en centres de profit grâce à des restructurations, des financements adaptés et des incitations fiscales.
La recommandation du FMI de réduire les subventions énergétiques, attrayante sur le papier pour ses effets budgétaires immédiats, néglige les conséquences à long terme sur la croissance économique et la stabilité sociale. Une stratégie de restructuration des services publics représenterait une approche plus durable pour dynamiser l’économie sans compromettre les besoins essentiels des populations les plus démunies.