Alors que la moitié de la consommation alimentaire en RDC est encore dépendante des importations, l’entrepreneur George Forrest veut impulser une révolution agricole et mener son pays à l’autosuffisance et la souveraineté via sa holding GoCongo. Le pays dispose en effet d’un immense potentiel, dont les capacités de production sont équivalentes à celles du Brésil. Dans un livre qui vient de paraître et préfacé par l’ancien Président du Sénégal Macky Sall, il défend sa vision d’une Afrique qui « nourrit le monde ».
Le choix fort de George Forrest : sortir de la dépendance minière par l’agriculture
En 2018, George Forrest a fait le choix de mettre un terme à l’ensemble des activités minières du Groupe Forrest International, dont il est le fondateur, pour recentrer l’entreprise sur ses assises historiques, notamment les infrastructures et l’énergie. De son côté, George Forrest a multiplié, en privé, les investissements dans le secteur agroindustriel. De quoi faire sienne la formule de Félix Tshisekedi, le président congolais, qui promet la « revanche des sols sur les sous-sols ». Et pour cause, avec un immense potentiel de 80 millions d’hectares de terres arables — l’Union européenne dans son ensemble en compte 70 millions — et de vastes ressources hydrographiques, la RDC a la capacité de nourrir quelque deux milliards de personnes selon la FAO, soit, théoriquement, une personne sur quatre dans le monde. Cependant, ce potentiel est sous-exploité dans une large mesure, alors que seulement 1 % des terres cultivables sont en exploitation.
« Syndrome hollandais » expliquent certains analystes, en pointant du doigt le poids majeur de l’extraction minière dans les exportations du pays ; ou plutôt un « scandale agricole » comme le soutient George Forrest, en signalant le paradoxe entre les richesses surabondantes de la RDC d’une part et sa vulnérabilité aux chocs mondiaux de l’autre, notamment en raison de sa dépendance aux importations alimentaires qui atteignent les 2 milliards de dollars chaque année. Cet état des lieux alarmant n’a pourtant pas désespéré le chef d’entreprise, qui a fait de l’agriculture son cheval de bataille pour propulser le développement économique du pays. « Je n’ai jamais voulu gonfler le nombre de commentateurs sceptiques, qui constatant la précarité et la pauvreté, n’agissent pas en leur lieu pour changer le monde. À la parole stérile et vaine, j’ai toujours préféré l’action transformatrice » déclare-t-il.
Conscient du défi de la sécurité alimentaire en RDC, où près d’un quart des plus de 100 000 d’habitants ne mange pas à sa faim, l’entrepreneur congolais a pris le contrepied des analyses fatalistes en misant sur l’avenir. « La superficie de nos terres arables, nos apports en eau et notre climat nous permettraient non seulement d’être autosuffisants, mais encore d’être des contributeurs nets à la sécurité alimentaire mondiale », affirme-t-il. Reste à libérer le potentiel agricole congolais dans un contexte de forte croissance démographique, pour s’extraire de la sujétion exclusive aux ressources minières qui sont, par définition, périssables à long terme et génératrices de tensions sociales et environnementales. Pour cela, il peut compter sur le soutien du président Félix Tshisekedi qui promeut résolument la transformation du secteur agricole en RDC.
Faire de GoCongo le fer-de-lance de sa révolution agricole
C’est dans cet esprit que l’homme d’affaires belgo-congolais a fondé GoCongo Holding, en fusionnant son entreprise d’élevage (GRELKA) et GoCongo. Avec une triple vocation : atteindre l’autosuffisance alimentaire pour les populations locales, renverser l’équilibre de la balance commerciale alimentaire, et créer des millions d’emplois décents et durables dans le travail de la terre. Un immense chantier auquel George Forrest s’est attelé depuis des années, notamment en consolidant progressivement l’entreprise à travers des acquisitions d’acteurs locaux significatifs dans le secteur, GoCongo Holding ayant par exemple acquis PHL en 2022 et ses dizaines de milliers de bovins répartis sur 730 000 hectares de terre dans le grand Katanga. Premier éleveur en RDC, GoCongo est aussi engagé dans la transformation de la viande via ses marques Frigocongo et Grelka. Sa politique « du ranch au magasin » a permis le développement d’installations industrielles d’abattage, de découpe et de transformation pour livrer directement particuliers, boucheries, restaurants et supermarchés locaux.
Même chose pour les céréales où le groupe a dépassé la seule production primaire pour couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur. Le maïs est broyé, transformé en farine et emballé dans le packaging des marques Kila Siku (« tous les jours » en swahili) ou Twiga (« girafe » en swahili), dont la qualité supérieure et l’accessibilité sont appréciées des populations de la région. Le blé est moulu dans des meuneries locales avant d’être transformé dans une biscuiterie d’une capacité de 36 000 tonnes par an qui exploite les marques Extra Bisco, Baby Food et Vap, toutes reconnues pour leurs qualités nutritives. Autant d’initiatives qui permettent selon George Forrest d’« asseoir enfin les bases d’une agriculture moderne comme levier principal d’une économie conquérante. » Et de renchérir, confiant dans les perspectives de l’avenir : « l’agriculture pourrait même dépasser bientôt l’exploitation minière en tant qu’industrie dominante en RDC ».
Enfin, pour s’assurer que l’agriculture devienne un moteur effectif de la révolution économique congolaise, George Forrest capitalise sur l’éducation — qui reste la véritable locomotive de tout développement durable — via la Fondation GoCongo. Cette dernière fournit déjà des services de scolarisation, de formation professionnelle et de soins dans 18 écoles communautaires comptant 1800 élèves et 15 centres de santé. Ces établissements participent à faire émerger une future génération d’entrepreneurs agricoles en valorisant l’enseignement technique de la filière. En parallèle, la fondation a lancé une série d’initiatives pour lutter contre la déforestation et stimuler la production de bois afin de préserver les habitats des communautés villageoises.