Au Togo, le déploiement de la « solution automatisée de marquage » (SAM), lancée en septembre 2020 par le comité interministériel chargé de la lutte contre la contrebande et la contrefaçon, semble avoir porté ses fruits. En visite en début de semaine dans les locaux du groupe suisse SICPA, leader mondial de la traçabilité sécurisée et pierre angulaire technique du dispositif via sa plateforme SICPATRACE, le ministre des Finances, Essowè Georges Barcola, peut désormais faire le bilan. Des gains budgétaires massifs depuis l’entrée en vigueur du dispositif
Entré en vigueur en septembre 2020, le programme de marquage automatisé poursuit des objectifs ambitieux : « surveiller et contrôler la production et l’importation des produits soumis à l’accise (tabacs, vins…) », « réduire le commerce illicite », « augmenter la collecte des recettes fiscales » ou encore « protéger la santé des consommateurs », selon le groupe SICPA, qui opère le déploiement et la mise en œuvre de ces solutions. Depuis plus de cinq ans donc, les importateurs ou producteurs de produits visés par ce nouveau cadre réglementaire doivent apposer, sur leurs paquets, un marquage sécurisé pour permettre la traçabilité et lutter contre les trafics : un système digital complexe, rendu infalsifiable par un marquage avec des niveaux de sécurité analogues aux billets de banque. Si le marquage est absent, les contrevenants s’exposent purement et simplement à la saisie des produits, ainsi qu’à des peines de prison, que les juges seront enclins à prononcer automatiquement sur la base des preuves forensiques que constituent les marquages, sortes de marques d’autorité publiques.
Avant la réforme, le déficit de traçabilité de certains produits aurait entraîné des pertes fiscales d’environ 15 milliards de FCFA par an au Togo, soit un quart du budget annuel du ministère des Mines et de l’Énergie. À l’échelle du continent européen, ces pertes s’élèvent à plusieurs centaines de milliards de dollars. « Lorsque certains se permettent d’importer des produits qui n’ont pas obtenu l’autorisation préalable, cela signifie que la santé de la population va en pâtir et que l’économie aussi subira un coût important », expliquait ainsi Adowy Essowavana, président de la commission de suivi du projet à Togo First, en août 2024. Les choses ont, depuis, fortement évolué.
Des résultats fiscaux très porteurs
Les résultats de la réforme sont, notamment d’un point de vue fiscal, très porteurs. En quatre ans, le nombre de contribuables aurait ainsi grimpé de 195 %, tandis que les revenus liés aux droits d’accises sur les produits marqués ont connu une hausse de 58,7 % depuis l’introduction du dispositif SAM. En termes budgétaires aussi, les conséquences sont vertueuses pour les finances publiques togolaises, qui connaissent une hausse des recettes domestiques depuis plusieurs années, permettant ainsi de réduire le déficit budgétaire. Entre 2020 et 2022, les recettes d’accises des cigarettes et de la bière ont ainsi crû de 4,74 milliards de Francs CFA, selon le Rapport exécutif du budget de l’État.
Les recettes fiscales moyennes ont, quant a elle, grimpé d’en moyenne 2,16 milliards par trimestre depuis l’introduction du marquage automatisé, passant de 3,69 milliards de XOF à 5,85 milliards de France CFA, toujours selon de Rapport d’exécutif du budget de l’État. Dans le même temps, des efforts de contrôle significatifs ont été menés, permettant ainsi d’inspecter plus de 300 000 produits. Plusieurs grands fabricants et importateurs ont ainsi, depuis cette réforme, été identifiés pour avoir sous-déclaré leurs volumes de production.
Les consommateurs directement impliqués
Une belle victoire pour le groupe SICPA -et Balam Tchamdja, DG de SICPA Togo-, déjà présent sur plusieurs grands marchés africains et qui cherche à renforcer ses positions dans une zone stratégique, où le manque de traçabilité et la contrebande grèvent très fortement les finances publiques des pays concernés des combinaisons de sécurité matérielle et digitale pour parer aux fuites de données ou aux déficiences des systèmes uniquement digitaux – ce qui aboutit à un renforcement croisé des technologies. Le tout suivi et assuré par des applications de contrôle nourries par des données de parties prenantes multiples, permettant de dresser des rapports sur les tendances de consommation, des aides à l’optimisation des politiques publiques, et des mesures de prévisions budgétaires dernier cri.
Depuis août 2024, les consommateurs peuvent aussi participer à cette démarche depuis le lancement, par l’Office Togolais des Recettes (OTR), d’une application mobile destinée à vérifier l’origine et la qualité des produits couverts par la réforme SAM. « SAM n’est pas simplement un outil technologique. Il est également la traduction concrète de l’engagement du gouvernement à garantir à chaque Togolais la sécurité, l’authenticité et la traçabilité des produits qu’ils consomment », précisait ainsi Rose Kayi Mivedor, ministre du Commerce, en août dernier.
Loin de se limiter aux tabacs et boissons alcoolisées, le marquage automatisé peut être réalisé sur d’autres produits stratégiques et souvent vecteurs de contrebandes, comme le ciment, les cosmétiques ou encore les huiles alimentaires, comme l’a ainsi expliqué le groupe SICPA pendant la visite du ministre des Finances. De quoi pousser d’autres pays à multiplier les efforts sur certaines filières très sensibles ?