Par Bart Willems, Directeur Général du groupe Syrse-OMOA.
Dans un contexte africain marqué par des défis structurels persistants, l’inclusion financière demeure un enjeu fondamental pour le développement économique et social. Avec plus de 47% de la population adulte encore exclue du système financier formel dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) en 2016, les progrès accomplis ces dernières années sont encourageants traduisant ainsi une implication forte de tous les acteurs au 1er rang desquels figurent nos Etats.
En 2022, le taux d’inclusion financière a atteint 70,9% selon un rapport de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), témoignant des avancées considérables réalisées.
La vision réglementaire de la BCEAO comme catalyseur d’inclusion
La BCEAO a posé les fondements d’un système financier plus inclusif. Les différentes initiatives sur la libéralisation du paysage financier ont par exemple amené à la mise en place de l’instruction n°008-05-2015 sur la monnaie électronique dont l’objectif est de dynamiser l’accès aux services financiers par un cadre favorable aux solutions innovantes. Cette démarche s’intègre à la Stratégie Régionale d’Inclusion Financière (SRIF), structurant les actions autour d’axes stratégiques : renforcement réglementaire, assainissement de la microfinance, promotion des innovations, éducation financière et protection des consommateurs, et cadre fiscal favorable.
Les solutions technologiques au service de l’inclusion
L’essor des services financiers numériques est le principal moteur de l’inclusion financière régionale. Les canaux de distribution se sont densifiés à 402 points de services pour 1000 km² en 2022, contre 311 l’année précédente. Cet écosystème, composé à 98,8% de points de services de monnaie électronique, facilite l’accès aux services financiers aux populations africaines.
La digitalisation a surmonté les contraintes limitant l’accès aux services bancaires traditionnels. Le taux d’utilisation des services de monnaie électronique atteint 56,6% en 2022, démontrant cette transformation des habitudes de consommation des services financiers.
Les émetteurs de monnaie électronique, par exemple, ont diversifié le paysage financier, leur nombre augmentant de 6 en 2022, atteignant 46 opérateurs à fin 2022 (contre 40 en 2021). Cette concurrence stimule l’innovation et la qualité tout en réduisant les coûts.
Vers une infrastructure financière interopérable
L’interopérabilité des services financiers constitue un défi majeur pour maximiser l’impact de la digitalisation. La BCEAO, consciente de cet enjeu, a initié un projet d’interopérabilité des services financiers numériques, visant à faciliter les transactions entre les différentes plateformes, quel que soit le type de compte utilisé.
Des initiatives innovantes, comme le système régional de paiement instantané lancé par le GIM-UEMOA en collaboration avec les banques et les émetteurs de monnaie électronique, démontrent la faisabilité de cette approche. Ces projets permettent non seulement de fluidifier les échanges financiers, mais aussi de réduire les coûts de transaction pour les populations.
La digitalisation des paiements publics représente également un puissant levier d’inclusion. En accompagnant les États dans la modernisation dans le traitement de leurs flux financiers, notamment via la connexion des Trésors publics à la plateforme monétique régionale, la BCEAO contribue à l’intégration d’un nombre croissant de citoyens dans l’écosystème financier formel.
Des solutions adaptées aux populations mal desservies
L’innovation répond aux besoins des populations exclues du système bancaire (femmes, jeunes, petits producteurs agricoles).
L’étude sur l’état des lieux des besoins des populations mal desservies réalisée par le Cabinet Dalberg en 2022 révèle une préférence pour l’utilisation du téléphone mobile dans les opérations de paiement (73% des micro-entrepreneurs, 57% des producteurs agricoles) et pour l’épargne sur portefeuille électronique. Ces données permettent de concevoir des services financiers adaptés.
Les solutions d’Agency Banking se développent remarquablement via un réseau de commerçants partenaires offrant des services financiers de proximité. Ces points de services, déployés dans plus de 3000 localités de la zone UEMOA dont plus de la moitié en zones rurales, constituent une alternative efficace aux réseaux bancaires traditionnels.
L’enjeu vital de la protection des consommateurs
Face à l’émergence de nouveaux acteurs et modèles économiques, la protection des consommateurs devient une priorité absolue. Les Observatoires de la Qualité des Services Financiers, créés dans plusieurs pays de l’Union, contribuent à renforcer la confiance des populations dans le système financier.
Dans un environnement où 38% des femmes, 35% des jeunes et 34% des producteurs agricoles (qui comptent historiquement parmi les plus mal desservis par les services financiers traditionnels) expriment des réticences à s’endetter selon les études récentes de la BCEAO, l’accès au financement demeure également un défi majeur pour les TPE et PME en zones urbaines.
Face à ces obstacles, l’éducation financière joue un rôle déterminant dans tous les secteurs économiques. Les initiatives de formation et de sensibilisation déployées au niveau régional et national renforcent la capacité des populations, tant rurales qu’urbaines, à utiliser efficacement les services financiers disponibles.
Une approche globale et collaborative
L’expérience des différents acteurs financiers africains démontre qu’une approche globale et collaborative est indispensable pour relever les défis de l’inclusion financière. Les fintech qui agissent depuis plusieurs décennies sur toute la chaîne de valeur des paiements, mesurent l’importance d’une infrastructure robuste et sécurisée pour soutenir cette transformation.
Des initiatives sectorielles, telles que la certification aux standards PCI DSS des plateformes de traitement des transactions, le déploiement de systèmes de détection des fraudes basés sur l’intelligence artificielle ou encore la mise en place de dispositifs d’identification numérique sécurisés, contribuent à renforcer la confiance dans l’écosystème financier.
Au sein d’opérateurs comme le groupe Syrse-OMOA, l’expertise acquise dans l’installation et la maintenance des guichets automatiques bancaires, la personnalisation des cartes bancaires et la digitalisation des services financiers permet de concevoir des solutions inclusives adaptées aux réalités africaines.
Perspectives et défis à relever
Malgré les progrès, des défis subsistent. L’identification unique des usagers des services financiers reste un enjeu majeur pour renforcer la sécurité des transactions et mesurer précisément l’inclusion financière.
La protection des données personnelles et la cybersécurité sont des préoccupations croissantes avec la digitalisation. Une régulation équilibrée demeure essentielle.
L’amélioration de la connectivité et l’accès à l’énergie dans les zones rurales conditionnent le déploiement des infrastructures financières numériques. Des solutions comme l’alimentation solaire des guichets automatiques méritent d’être généralisées.
L’inclusion financière dans l’UEMOA progresse, portée par un cadre réglementaire favorable et des innovations technologiques. Une collaboration entre régulateurs, institutions financières traditionnelles et nouveaux acteurs reste indispensable pour atteindre l’accès universel à des services financiers de qualité.