Dans une économie mondiale chahutée et entourée de voisins qui peinent à suivre son leadership, la Côte d’Ivoire fait figure d’exception ouest-africaine. Après quinze années au pouvoir, le président Alassane Ouattara a profondément transformé et modernisé l’économie ivoirienne, assainissant le climat des affaires et séduisant investisseurs comme grands argentiers internationaux.
Insolente : au cœur du flux ininterrompu de perturbations et mauvaises nouvelles qui ébranlent depuis plusieurs années l’économie mondiale, c’est l’adjectif qui qualifie sans doute le mieux la réussite de la Côte d’Ivoire. Dirigé depuis 2011 par le président Alassane Ouattara, le pays s’est, en une quinzaine d’années seulement, imposé comme la véritable locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest. Alliant stabilité politique, croissance économique à faire pâlir d’envie ses voisins et concurrents, et réformes structurelles d’ampleur, le « pays des Éléphants » apparaît aujourd’hui métamorphosé. Quelle est la recette du miracle ivoirien ?
Ressources naturelles, diversification, relocalisation, nouvelles technologies, réformes structurelles… : les raisons du succès ivoirien
Celle-ci tient, sans doute, en un chiffre : avec 6,8 % de croissance projetée fin 2024 (contre 6,5 % en 2023), la Côte d’Ivoire s’est en effet hissée au rang des économies les plus dynamiques du continent africain. Un dynamisme porté par plusieurs atouts dans la manche d’Abidjan, au premier rang desquels l’abondance des ressources naturelles : le cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial ; la noix de cajou (deuxième producteur mondial) ; l’hévéa, le coton, le café ou la banane ; le pétrole, le gaz (avec la découverte récente de deux importants gisements offshore, « Baleine » et « Calao ») et les minerais.
Jusqu’alors majoritairement exportées pour être transformées hors du pays, ces précieuses ressources sont, depuis quelques années, au cœur d’un véritable réajustement agro-industriel, les autorités ivoiriennes misant désormais pleinement sur la transformation locale des matières brutes. De quoi relocaliser la chaîne de valeur, créer des emplois et faire monter les entreprises locales en gamme. Et sur le plan énergétique, la Côte d’Ivoire ambitionne d’atteindre 42 % d’énergies renouvelables (EnR) dans son mix d’ici à 2030, tout en investissant massivement dans la modernisation des réseaux de distribution.
Loin de faire reposer sa croissance sur ses seules ressources naturelles, dont les cours restent indexés sur les fluctuations des marchés internationaux, le pays d’Afrique de l’Ouest entame parallèlement son virage digital. Véritable laboratoire de la fintech, avec un taux de pénétration Internet de 63 % et plus de 35 millions d’abonnements mobiles, la Côte d’Ivoire se rêve ainsi en hub technologique sous-régional. Une ambition revendiquée par le gouvernement, qui entend, avec sa stratégie « e-Côte d’Ivoire », faire du numérique un puissant levier de croissance et de développement. Enfin, le secteur du BTP, dans un pays en chantier permanent, et celui du tourisme, qui attire quelque 2 millions de voyageurs par an, contribuent à diversifier les sources de revenus et d’emploi.
La Côte d’Ivoire se détache du peloton ouest-africain
La success story ivoirienne est telle que le pays a, largement, pris l’ascendant sur son grand rival, le Cameroun. Alors que « le Cameroun reste assis sur son énorme potentiel qui tarde à être transformé en réalité palpable et mesurable », déplore dans Jeune Afrique Barnabé Okouda, directeur du Centre d’analyse et de recherche des politiques économiques et sociales du Cameroun, « la Côte d’Ivoire semble avoir accéléré sa transformation avec une libéralisation pour attirer les capitaux étrangers et développer un secteur privé dynamique », se félicite au contraire Guy-Maurice Tapé, analyste au sein du cabinet de conseil Hudson & Cie. Qui ajoute que, « pour consolider son statut de hub économique en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire devra accélérer cette transformation locale, investir dans le capital humain et renforcer sa gouvernance ».
Preuve supplémentaire de la robustesse du modèle ivoirien, l’agence de notation financière Standard & Poor’s a, en fin d’année dernière, rehaussé la note de la dette publique de la Côte d’Ivoire. De « BB — », la note atteint désormais « BB », assortie d’une perspective stable, ce qui hisse le pays au deuxième rang des États d’Afrique subsaharienne. Le signe d’un regain de confiance dans l’économie ivoirienne, et une reconnaissance des efforts du gouvernement pour maîtriser la dette publique. Quelques semaines auparavant, le Fonds monétaire international (FMI) accordait un nouveau prêt au pays, d’un montant de 825 millions de dollars, témoignant ainsi de la confiance des grands argentiers mondiaux dans la gestion du pays par Alassane Ouattara.
Abidjan, pionnier sur l’innovation financière africaine
Continuant de se démarquer des pays de la sous-région, la Côte d’Ivoire a également démontré, tout récemment, son ambition de devenir une pionnière de l’innovation financière à l’africaine. Le 26 mars dernier, le pays a ainsi levé, avec succès, la toute première émission obligataire libellée en francs CFA. Alors que les États du continent avaient jusqu’à présent l’habitude de lever des fonds en dollars ou en euros, Abidjan a choisi de renverser la table, levant 220 milliards de francs CFA, soit environ 335 millions d’euros. Une nouvelle manière de diversifier sa base d’investisseurs, de déployer une stratégie de financement sophistiquée et de conforter le leadership de la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest — et au-delà.