En déplacement officiel les 23 et 24 avril sur la Grande Île, le président français emmènera avec lui une délégation de chefs d’entreprise. Confrontée à d’importants défis et conjoncturellement replacée au cœur du jeu géopolitique régional et mondial, Madagascar veut offrir aux entreprises étrangères de belles opportunités d’affaires dans l’énergie, l’agriculture, l’industrie ou l’éducation.
« Tonga soa (bienvenue, en malagasy) Emmanuel Macron » : mercredi 23 avril, le président français atterrira à Madagascar, pour ce qui sera la première visite d’État de l’actuel hôte de l’Élysée sur la Grande Île. À l’occasion du sommet des chefs d’État de la Commission de l’océan Indien (COI) — et moins d’un an après avoir reçu, à Paris, son homologue malgache, Andry Rajoelina —, Emmanuel Macron devrait réaffirmer lors de ce déplacement l’importance du partenariat franco-malgache. Un partenariat hautement stratégique, alors que le canal du Mozambique fait l’objet de toutes les attentions et que les ressources minières malgaches attirent les convoitises du monde entier.
Réunissant les chefs d’État des Seychelles, de l’île Maurice, des Comores, de Madagascar et de la France — au titre de l’île de la Réunion —, le sommet de la COI sera prioritairement consacré à la question de la sécurité et de la souveraineté alimentaire, dans une région indianocéanique fortement dépendante des importations internationales. Mais comme souvent en pareilles circonstances diplomatiques, les négociations en coulisses ou en marge de l’évènement seront au moins aussi cruciales et scrutées par les observateurs que les discours à la tribune. Ainsi Emmanuel Macron n’arrivera pas à Madagascar les mains vides, ni sans un solide entourage.
De nombreux chefs d’entreprise françaises dans les valises d’Emmanuel Macron
C’est en effet à la tête d’une délégation d’une petite centaine de diplomates et chefs d’entreprise que le président français devrait poser le pied à Antananarivo. L’occasion de raviver les relations commerciales entre Paris et la capitale malgache, alors que les échanges entre les deux pays s’élevaient, en 2023, à un peu plus d’un milliard d’euros : principalement des produits textiles, agricoles et agroalimentaires depuis la Grande Île, et des produits pharmaceutiques, informatiques et agroalimentaires depuis la France. Avec une dizaine de sociétés du CAC 40 opérant sur le marché malgache (Total, Bouygues, Vivendi…), les investissements directs tricolores à Madagascar s’élevaient, pour leur part, à près de 220 millions d’euros en 2022.
Deuxième client et sixième fournisseur de l’île, Paris veut donc faire mieux. En marge du sommet des chefs d’État se tiendra ainsi, le 23 avril, une rencontre de haut niveau entre membres du Medef International et du Groupement des entreprises de Madagascar (GEM). L’occasion, pour les dirigeants de société malgaches et français, de parler transition énergétique, transformation digitale et infrastructures durables. Les conclusions de ces travaux seront remises au président Rajoelina afin, selon l’organisation patronale française, « de poser les jalons de partenariats solides dans des secteurs stratégiques pour l’île ». De par ses atouts, mais aussi du fait des défis qui se présentent à elle ou encore en raison des perturbations secouant, depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, l’économie mondiale, le marché malgache semble en effet offrir de belles opportunités d’affaires.
Énergie, santé, éducation, tourisme, agriculture : Madagascar veut poursuivre son ouverture aux investisseurs étrangers
À condition de s’en saisir… Ainsi, par exemple, de la question énergétique, sans doute l’une des plus brûlantes sur l’île — et, pour les mêmes raisons, des plus prometteuses. Avec moins de quatre habitants sur dix raccordés au réseau électrique, Madagascar demeure l’un des pays au monde les moins électrifiés. Quotidiens, les délestages nuisent notamment à l’activité économique et industrielle, obérant les perspectives de développement du pays tout entier. Pour atteindre leurs ambitions (80 % d’accès à l’électricité et 85 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2030), les autorités malgaches doivent mobiliser des milliards de dollars, dont la majeure partie (4,5 milliards) proviendra du secteur privé.
C’est donc peu dire qu’Antananarivo compte sur des partenaires extérieurs solides pour attirer des capitaux et moderniser ses réseaux : autant d’opportunités pour des entreprises françaises qui pourraient, par exemple, s’impliquer dans la modernisation des centrales et réseaux malgaches vieillissants, dans l’hydroélectricité, dans des projets solaires d’envergure ou encore en faveur de l’électrification des zones rurales et reculées du pays. Si elle s’est depuis retirée du marché malgache, GreenYellow, une filiale du groupe Casino, est d’ailleurs à l’origine du projet de centrale solaire d’Ambatolampy, la plus grande du pays. Alors que les États-Unis de Donald Trump se désengagent massivement de l’aide au développement, les entreprises françaises pourraient avoir leur carte à jouer dans la transition énergétique malgache, en partenariat avec les acteurs privés locaux comme Axian ou Filatex et les bailleurs comme l’AFD ou GiZ.
Plus généralement, Madagascar représente pour les entreprises françaises une véritable terre d’attractivité industrielle, portée notamment par la compétitivité de la main-d’œuvre locale. L’île peut également se révéler un allié de poids pour l’industrie hexagonale, en sécurisant les accès français aux minéraux stratégiques comme le nickel ou le graphite. Enfin, de belles opportunités s’offrent dans les secteurs de l’éducation — la France demeurant localement le premier bailleur de fonds dans l’enseignement supérieur —, de la santé ou de l’agriculture ; sans oublier le tourisme, supporté par des vols réguliers entre Paris et Antananarivo et la reprise récente des vols de Madagascar Airlines, en partenariat avec Air France.
Un tournant dans les relations franco-malgaches ?
Attendue, la visite officielle d’Emmanuel Macron sur la Grande Île pourrait donc marquer un véritable tournant dans les relations franco-malgaches. Portées par deux présidents jeunes et réformateurs, ces rencontres entre diplomates et chefs d’entreprise pourraient ouvrir une nouvelle ère de coopération multisectorielle : diplomatique, bien sûr, Antananarivo se montrant un allié précieux dans la zone indianocéanique comme sur le continent africain ; économique, avec le développement des relations industrielles, financières et commerciales ; mais aussi en termes d’économie bleue, et même d’intelligence artificielle.