L’ingénierie financière n’a pas de limite. La preuve, l’implication de l’Agence de l’Assurance pour le Développement du Commerce et de l’Investissement en Afrique (ATIDI) en apportant une garantie de deuxième perte sur un prêt de 507,5 millions d’euros accordé par Deutsche Bank. Dans sa conceptualisation, le prêt à terme, non garanti et de premier rang, a été structuré exclusivement par Deutsche Bank. Le « dérisking » a été assuré par une garantie partielle de première perte pouvant atteindre 200 millions d’euros, octroyée par l’Association internationale de développement (IDA) – une institution du Groupe de la Banque mondiale. En apportant sa garantie sur le reliquat du capital et des intérêts, ATIDI joue un rôle clé dans le renforcement de la confiance des investisseurs et la réduction des coûts de financement pour le Bénin. Cette opération marque un tournant stratégique, s’inscrivant dans le cadre de la nouvelle plateforme de garantie de la Banque mondiale lancée en juillet 2024. Elle permet au Bénin de restructurer son portefeuille de dette publique, d’allonger la maturité de sa dette, et de libérer des marges budgétaires qui seront réaffectées à des projets alignés sur les Objectifs de Développement Durable (ODD). « c »Cette transaction pourrait bien servir de modèle à d’autres pays désireux de combiner ingénierie financière, réduction des risques, et développement durable », déclare en substance Alexander A. FUSI, responsable du bureau du Bénin et souscripteur régional d’ATIDI pour l’Afrique Francophone. Entretien.
Pouvez-vous nous expliquer le rôle d’ATIDI dans la récente opération de financement de 507,5 millions d’euros accordée à la République du Bénin ?
Afin de mettre en œuvre efficacement son plan d’investissement quinquennal, connu sous le nom de « Programme d’Action du Gouvernement » (PAG), le gouvernement du Bénin a accompli des progrès considérables, et la poursuite de la mise en œuvre des réformes demeure cruciale pour la pleine réalisation des objectifs du PAG. Dans le cadre de sa gestion proactive de la dette et de la mobilisation de ressources, le gouvernement du Bénin a obtenu un financement de 507,5 millions d’euros de Deutsche Bank afin:
- d’entreprendre un reprofilage essentiel de la dette pour racheter une partie de ses Eurobonds 2032 en allongeant la maturité moyenne de son portefeuille de dette publique.
- de financer ou refinancer les dépenses éligibles dans le cadre des Objectifs de Développement Durable (ODD) du pays.
Le prêt à terme amortissable non garanti de premier rang, arrangé uniquement par Deutsche Bank, est soutenu par une garantie de première perte allant jusqu’à 200 millions d’euros de l’Association Internationale de Développement (IDA), qui fait partie du Groupe de la Banque mondiale. La garantie de second recours d’ATIDI complète ce montage financier, et couvre le principal et les intérêts restants à hauteur de 614 millions d’euros, renforçant ainsi la confiance des investisseurs et réduisant les coûts de financement pour le Bénin.
L’implication d’ATIDI souligne son rôle unique dans la fourniture de solutions novatrices d’atténuation des risques qui permettent aux États africains d’accéder à des financements à long terme, rentables et à des conditions favorables. Cette transaction est la première garantie soutenue par l’IDA dans le cadre de la nouvelle plateforme de garantie de la Banque mondiale lancée en juillet 2024.
ATIDI reste à l’avant-garde en matière d’atténuation des risques dans les économies africaines et de la facilitation de solutions financières transformatrices. Grâce à des partenariats avec des institutions financières mondiales telles que Deutsche Bank et des partenaires de développement comme le Groupe de la Banque mondiale, ATIDI continue de fournir des produits innovants d’assurance-crédit et d’investissement qui favorisent une croissance durable à travers l’Afrique.
En quoi consiste exactement la garantie de second recours offerte par ATIDI dans cette transaction ?
Notre couverture de second recours est une police d’assurance qui fonctionne conjointement avec la garantie de première perte de l’IDA. De fait, la participation de l’IDA prend la forme d’une garantie partielle de risque à concurrence d’un montant défini de 200 millions d’euros, protégeant contre les pertes initiales ou le non-paiement par le gouvernement sur le prêt. En cas de défaut, la police d’ATIDI ne s’appliquera qu’une fois que la garantie de l’IDA aura été entièrement utilisée pour couvrir les flux de trésorerie de la dette impayée.
Quelle est la complémentarité entre la garantie « première perte » de l’IDA et la couverture fournie par ATIDI ?
- La garantie de risque partiel (PRG) et l’assurance-crédit d’ATIDI offrent une couverture de risque complète, ce qui a permis au prêteur de se sentir plus à l’aise pour financer la transaction. Cette couverture exhaustive s’étendait à 100% des flux de trésorerie du prêt, tant pour le principal que pour les intérêts, grâce à la couverture d’ATIDI et à la PRG, absorbant ainsi l’intégralité du risque pour le prêteur.
- Deuxièmement, la PRG et la couverture d’ATIDI ont contribué à obtenir un prix quasi concessionnel qui convenait à l’État et était conforme à sa gestion proactive de la dette.
- Ensuite, la PRG et l’assurance d’ATIDI ont permis au prêteur d’obtenir une maturité étendue de 15 ans, ce qui n’aurait pas été possible s’il s’agissait d’une facilité de prêt commercial classique (qui a généralement des maturités de 5 à 10 ans maximum).
- L’allongement de la maturité moyenne du portefeuille de dette du pays a permis de répartir les économies liées au service de la dette sur une période plus longue, ce qui n’aurait pas été possible en l’absence de la PRG et de la couverture d’ATIDI.
Quel est l’impact de cette garantie sur les coûts de financement pour le Bénin ?
Compte tenu des notations de qualité investissement de la Banque mondiale-IDA (AAA) et d’ATIDI (A/Stable par S&P et A2/stable par Moody’s), leur garantie combinée améliore considérablement le profil de risque du prêt au Bénin. Ce profil de risque amélioré a attiré des conditions de financement plus favorables, y compris des coûts inférieurs, car les prêteurs ajustent généralement leurs coûts en fonction du risque perçu. Concrètement, la garantie partielle de risque (GPR), tarifée à un taux concessionnel, a facilité l’apport du prêteur commercial et des réassureurs. L’impact global de ce financement mixte a été un taux quasi-concessionnel offrant des conditions plus favorables que les euro-obligations refinancées par le gouvernement du Bénin. Les économies sur le service de la dette, qui seront réparties sur une période plus longue, contribueront aussi à améliorer la viabilité globale de la dette du pays.
Comment les économies réalisées grâce à cette opération seront-elles réaffectées dans le cadre du programme national des Objectifs de Développement Durable (ODD) du Bénin ?
Le gouvernement du Bénin est très engagé dans l’atteinte des Objectifs de Développement Durable, notamment pour ce qui est de débloquer les investissements privés qui favorisent l’action climatique. Le Bénin se classe 5ème sur 74 pays au niveau mondial en termes d’engagement envers les ODD et a un score supérieur à la moyenne de la CEDEAO. Le gouvernement travaille activement à réduire la pauvreté, à accroître le travail décent et la croissance économique, ainsi qu’à réduire les inégalités. Les objectifs relevant de ces thèmes sont fixés dans le Cadre des ODD.
Les économies réalisées grâce au refinancement des Eurobonds seront canalisées vers le financement ou le refinancement de projets inscrits dans le Cadre des ODD. Les dépenses liées aux ODD contribuent à la création d’emplois, à la réduction de la pauvreté, au renforcement de la croissance économique et à la promotion du respect de normes élevées, notamment dans les domaines de la durabilité environnementale, de l’inclusion sociale et de la bonne gouvernance. Cela permettra au gouvernement d’atteindre ses objectifs dans le cadre des ODD.
Comment se présente le portefeuille d’ATIDI au Bénin ? Quelles sont ses perspectives de croissance ?
Actuellement, plus de 90% du portefeuille d’ATIDI au Bénin concerne les risques souverains. Pour l’avenir, tout en maintenant notre soutien au PAG, un objectif clé est de renforcer notre présence dans le secteur privé béninois. L’économie active et diversifiée du pays, la croissance de secteurs tels que le commerce général, le textile, le BTP, l’agro-industrie, les transports et la logistique, l’agriculture et des services cruciaux comme la finance, le tourisme et les télécommunications, constituent une base solide pour accroître nos interventions en faveur du secteur privé.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux autres pays africains en quête de solutions de financement innovantes et durables ?
Les pays africains à la recherche de financements innovants et durables peuvent trouver des voies efficaces grâce aux solutions offertes par ATIDI. Ces solutions améliorent considérablement l’attrait des projets nationaux, permettent de mieux supporter le servie de la dette, permettent d’obtenir des conditions de financement plus favorables et d’attirer un plus large éventail de financements. Notre collaboration avec des institutions financières de développement (IFD) telles que la Banque mondiale nous permet de débloquer des options de financement mixte, d’offrir une expertise technique précieuse et de renforcer la solvabilité d’initiatives nationales essentielles. De plus, l’assurance d’ATIDI peut aider à attirer les investisseurs privés qui envisagent d’investir dans les économies africaines émergentes, perçues généralement comme des destinations d’investissement plus risquées.