Face aux récents bouleversements en République Démocratique du Congo, la voix de la société civile se fait entendre avec force. Dans cette interview exclusive accordée à Financial Afrik, Sara Ntela Umba, jeune actrice engagée de la société civile congolaise, coach en développement personnel, entrepreneure et présidente de la Fondation Sara, partage son regard sur la situation actuelle et les défis qui se posent à la jeunesse congolaise.
Propos recueillis par Rrodrigue Fenelon Massala.
Vous comptez dans le contexte de crise aiguë et persistante que traverse la RDC – notamment à l’Est dont vous êtes également originaire lancer une campagne de conscientisation auprès de la couche juvénile. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Je voudrais d’emblée apporter un éclairage nuancé à l’un des éléments de votre question. En effet, une partie de mes racines remonte au Nord-Est de la RDC. Ma bien-aimée mère – que Dieu ait son âme – est née à TOPOKE et était originaire de la ville de KISANGANI, qui était autrefois la capitale de l’ancienne grande Province orientale et se trouve aujourd’hui dans la TSHOPO.
En effet, la crise persistante qui touche l’est de notre nation souligne l’importance de développer des mouvements populaires forts et productifs pour contribuer à une résolution efficace et durable. L’un des éléments essentiels de toute société est la démographie. La nature et la qualité de la nôtre sont évidentes : notre population est majoritairement composée de jeunes, ce qui signifie qu’ils devront assumer le leadership du destin de notre nation.
Mon intention est de stimuler sa conscience politique, de l’impliquer dans un processus qui a d’importantes répercussions pour la compréhension de l’Histoire de son pays, son rôle et les choix qu’elle doit faire pour exercer ce rôle efficacement.
Je souhaite essayer de réunir les aspects essentiels de cette jeunesse d’une manière différente, peut-être que cela sera unique – en tout cas, mon désir est que ces dynamiques patriotiques commencent à bouillonner et exploser pour la préservation de notre existence souveraine et historique..
Comment analysez-vous la situation globale actuelle du pays en tant que jeune ?
La situation globale de notre pays est encore rustre et difficile, les défis sont complexement légions et notre faiblesse dans la réponse en accentue la multiplication et la subtilité. Il semblerait que les mesures prises jusqu’à maintenant pour régler nos problèmes ne soient pas adéquates. Elles sont souvent contestées lorsqu’elles sont confrontées à la réalité du terrain – ce qui est profondément regrettable – de manière sporadique. Je crois qu’il est nécessaire de secouer sérieusement la situation actuelle. Il sera indispensable d’établir et de mettre en œuvre avec rigueur des mesures radicales et structurelles. Peu importe si cela provoquera des remous, l’objectif étant de tracer un chemin durable pour le progrès total de ce pays. Le populisme ne génère que des illusions et une insatisfaction générale chronique.
Le Chef de l’Etat venait de confier à son conseiller spécial la tâche de mener des consultations en vue de parvenir à la formation d’un gouvernement d’Union nationale dans le but de bâtir une cohésion nationale face aux défis sécuritaires qui s’imposent au pays ?
Le rôle de Président de la République est crucial pour garantir le bon fonctionnement et l’efficacité de toutes nos institutions. Je crois que le Président vise à instaurer durablement une essence démocratique dans son action politique, en misant sur le consensus.
Au demeurant, je suis d’avis qu’en démocratie, le dialogue constant, authentique et raisonné a toujours constitué un atout majeur du système ainsi que la clé de sa réussite, et le Président de la République en est conscient.
Les politiques préhistoriques, voire contemporaines, mises en œuvre face à cette crise (ou dans d’autres aspects de la vie nationale) ont révélé leurs contraintes. Il est crucial de comprendre, d’examiner et de résoudre les causes premières du conflit, les dynamiques complexes qu’elles engendrent, ainsi que leurs répercussions sur nos processus de développement. Cela nécessite des politiques stratégiques et déterminantes qui reposent sur un consensus national solide et inébranlable. Il faudrait fédérer toutes les énergies car l’unité d’un pays face à un péril n’a pas de couleurs et de connotation politique.
L’idée de mener des consultations n’est pas inédite, et je suis convaincue qu’elles peuvent réellement porter leurs fruits si elles permettent d’aboutir à un certain type de consensus. Je soulignerai également que la pérennité de ce consensus dépend du fait que le dispositif établi par le Président suite à ces rencontres soit structuré de façon à conserver l’énergie de ce consensus sur le long terme. Parce que ce conflit qui dure dans mon pays depuis plus de trois décennies est une question fondamentale pour notre existence.
Vous êtes également très engagée dans l’humanitaire. Pouvez-vous nous parlez de vos activités humanitaires notamment auprès des femmes et des enfants défavorisés dans la société ?
En tant qu’activiste pour les droits des femmes et éducatrice, je travaille sur divers projets. L’un d’eux vise à mener une vaste campagne de changement d’attitude dans le milieu scolaire. Cette initiative a pour but de sensibiliser les élèves de cinquième, quatrième et troisième année à l’importance des valeurs humaines, de la confiance en soi et du patriotisme, tout en intégrant des aspects techniques, logistiques et institutionnels.
Cette initiative se déroulera sur une période de 12 mois pour promouvoir une jeunesse consciente et patriote.
La Fondation Sarah, sous votre direction, apporte également son soutien aux veuves et orphelins dans le cadre de ses activités.
En tant que Coach, en quoi consiste votre rôle dans le développement personnel ?
Mon rôle consiste à accompagner l’être humain à travers des conseils et coaching dans tous les aspects de sa vie personnelle pour atteindre des objectifs fixés ensemble, selon des techniques psychologiques.
Comment analysez-vous la situation économique, l’environnement des affaires du pays, en tant qu’actrice de la société civile quelle proposition pourriez-vous faire pour relever la situation économique du pays notamment dans l’augmentation du pouvoir d’achat des congolais ?
À mon avis, trois principes directeurs sont cruciaux pour établir l’infrastructure structurelle future de notre économie :
Tout d’abord, il est essentiel que les responsables de notre nation mettent en place à court, moyen et long terme une réforme significative et majeure de notre structure économique en améliorant qualitativement la fiscalité, les législations relatives aux finances publiques, ainsi que celles concernant l’entreprise libre et le travail contractuel. De même, le cadre macroéconomique doit être renforcé pour garantir un développement harmonieux.
Les réformes évoquées précédemment doivent être complètes, dans la mesure où elles devront aborder tous les aspects de ces problématiques dès leur origine. En plus, elles devront permettre à l’Etat de définir les paradigmes structuraux de son système économique et financier. Il est nécessaire que notre pays réforme structurellement son administration qui représente le centre névralgique de l’opération d’un État moderne. L’objectif ultime de toutes ces réformes devrait être : l’assainissement de l’espace public en RDC, avec en arrière-plan la bataille contre la corruption
. Deuxièmement, nos dirigeants devront faire des décisions précises sur le type de société que nous souhaitons véritablement bâtir : une société à structure socialiste, communiste ou libérale, ou bien une société assistée grâce au soutien public des partenaires internationaux… Il est crucial pour nous d’adopter une vision ouverte, adaptable et dynamique en matière de renforcement du secteur privé entrepreneurial, de dé-corsetage fiscal de ce dernier, d’optimisation fonctionnelle et téléologique du fisc et de la bureaucratie publique, sans oublier une réduction ciblée mais significative de l’influence de l’État sur l’économie.
Troisièmement, il est crucial que le Président de la République lance une réforme complète dédiée à l’aménagement de l’économie informelle. Je suis d’avis qu’elle n’est pas une anomalie, elle doit donc être comprise dans sa véritable essence anthropo-culturelle cosmogo-congolaise. Cette réforme devrait déculpabiliser l’économie informelle et établir les relations substantielles qu’elle doit avoir avec l’économie modélisée.
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Le concept central est d’utiliser la formalisation économique uniquement lorsqu’elle est indispensable, en substance, c’est une démarche radicale pour réévaluer l’ensemble de la nature de l’économie congolaise.
.Enfin, je pense que le Président estimera juste de créer un département de l’efficacité gouvernementale à la DOGE américaine. Bien-entendu les spécificités culturo-sociétales de la RDC devront y présider mais il reste que je souscris à toutes les prémisses de son expérience américaine. Je ne pense pas qu’une politique économique et financière qui ignore la réduction substantielle et l’optimisation rigoureuse des dépenses publiques puisse être d’une productivité structurelle. Je pense qu’une nation doit non seulement craindre, mais aussi se protéger contre la guerre armée et l’effondrement économique, car toutes deux conduisent immanquablement à sa destruction sur le long terme .
Le Congo n’est pas une entité souveraine immuable historiquement établie qui ne disparaîtra jamais, indépendamment des décisions mal prises que nous appliquons pour sa gouvernance. Au contraire, bien sûr !
L’Histoire présente de nombreux exemples marquants de civilisations et d’États qui ont disparu.Nous avons l’exemple de la Yougoslavie où encore de l’empire Romain.
Quel regard portez-vous sur les initiatives de paix notamment avec la récente nomination du présent du Togo comme Médiateur ?
Nous avons salué la nomination du Président togolais Faure Gnassingbé en tant que médiateur et lui adressons nos meilleurs vœux pour sa mission de facilitation. Le choix de Faure n’est pas anodin, c’est une personnalité consensuelle qui connaît à la fois le président rwandais et notre président Félix Tshisekédi et bien d’autres acteurs liés à la crise qui secoue la région des grands Lacs . Dans le cadre de ses consultations, il a déjà rendu visite aux deux chefs d’État concernés , ce qui laisse présager des perspectives prometteuses. L’important est que les parties soient résolues à collaborer avec le médiateur pour favoriser leur rapprochement dans le but d’atteindre un accord de paix durable et viable. J’accorde ma confiance au président Faure, un homme systématique et réservé dans ses actions diplomatiques.
Que pouvez-vous dire en conclusion ?
Retenez juste que ,la crise dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) est à la fois complexe, profonde et géopolitiquement sensible. Elle mêle des enjeux locaux, régionaux et internationaux, avec des implications qui touchent à la sécurité, aux ressources naturelles, aux rivalités ethniques et aux intérêts stratégiques de plusieurs États.
Nous faisons face à une guerre d’agression du Rwanda menée par procuration . Comment pouvons nous résoudre cette crise ? En fait, c’est la grande question que tout le monde se pose depuis des années. Résoudre la crise à l’Est de la RDC demande plus qu’une solution militaire : c’est un mélange de volonté politique, de coopération régionale, de justice économique, et surtout de reconstruction de la confiance entre les peuples.
En conclusion pour clôture notre entretien , Il ne peut pas y avoir de paix durable sans justice, dialogue, sécurité partagée et développement inclusif.
C’est une crise régionale déguisée en conflit local — donc la solution doit être collective et globale en résolvant l’épineuse question de la crise identitaire notamment à l’EST de notre pays . Nous souhaitons un dénouement avec les initiatives de Paix de Doha et bien entendu les initiatives africaines .